L’association « les Ateliers 22 » présente une exposition hors des sentiers battus, tant le peintre « invité » Daniel Bordier, apparaît lui aussi comme "hors normes". Dans un manifeste écrit en 1981 et gentiment offert par son épouse Alexandra on peut lire : "Une impression forte qu’en venant au monde, j’ai perdu le contact avec ma vérité fondamentale fait que tout ce travail de peinture est l’acte où j’essaie de faire ressurgir en moi cette vérité".
Jacques Pinier artiste photographe qui expose régulièrement avec son épouse Yo Pinier dans cet espace Roxane Maurer parle de Daniel Bordier avec passion : "lorsqu’il tirait la ficelle, il voulait aller au bout de la pelote...". C’est cette ténacité et ce caractère inné de l’artiste qui le rendaient talentueux : "le talent parlait en lui, il travaillait tout le temps, développait un savoir et une curiosité fantastiques, il lisait beaucoup et s’investissait à plein dans la culture chinoise et africaine. Il suivait sa route sans être soumis. C’était un personnage hors normes au talent fou, il était né peintre et si j’avais su tout cela avant, je l’aurai contacté bien plus tôt".
Bernard Mardon philosophe et penseur de l’association définissait la vie de Daniel Bordier comme une sorte "d’ascétisme de simplification". Comparaison pertinente car Daniel Bordier, issu d’une famille bourgeoise, était un peintre pauvre et Alexandra se souvient que : "lorsqu’il était heureux, il lâchait les couleurs...". Ses toiles aux couleurs vives parlent et expriment certainement une liberté de vie. Sur cette fin de vie, lorsqu’il sut que la boucle allait être bouclée, son expression devint plus sombre comme si le bout du chemin était tracé. Il mélangeait du sable et de la cendre avec sa peinture, du noir et blanc avec des signes bouddhistes, du moins c’est ce que l’on ressent en s’arrêtant devant chaque tableau, une émotion qui nous renvoie à l’image du peintre qu’il était et nous transporte dans une sorte de rébellion intérieure qui était sienne tout comme une ouverture à l’imprévisible, une force de pensée libre qui donne un sens à sa propre destinée.
"Il était une harpe à lui tout seul...", dit Bernard Mardon et cela correspondant dans la symbolique à ce qu’était Daniel Bordier trop tôt disparu en 2004 ; un artiste qui, pour donner son plein rendement, était comme un harpiste, qui aspire à des états qui transcendent la réalité ordinaire. Cette harpe, merveilleux instrument qui fait ressortir la tension qui résulte du conflit entre les ambitions matérielles et les aspirations spirituelles mais qui doivent parvenir à s’harmoniser.
Jacques Feuillet